Tuolumne Meadows – South Lake Tahoe

28 juin, zéro day à Yosemite Valley

Pas d’internet (pour publier mon blog), pas de douche, pas de lavage de linge à Tuolumne Meadows et des possibilités de ravitaillement réduites. J’ai donc décidé de faire la route jusqu’à Yosemite Valley.

Il est 7h quand je tends le pouce au bord de la route. Très vite, une voiture s’arrête. C’est Hilary, une ranger du parc qui se rend à Yosemite Valley. Il y a encore peu de monde vers 8h30 lorsque nous arrivons et la vallée se livre dans toute sa splendeur.

J’apprends très vite que la vallée est en service minimum pour cause de covid. Je ferai donc mon lavage de linge et prendrai ma douche dans la rivière, je trouverai un peu de réseau pour publier mon blog et arriverai tant bien que mal à faire mon ravitaillement.

J’ai prévu un ravitaillement qui doit me permettre de manger plus. D’abord parce que j’ai ressenti ces derniers soirs des étourdissements au moment de la préparation du bivouac, probablement un signe de sous-alimentation. Ensuite, parce que je dois augmenter la longueur des étapes maintenant si  je veux arriver à temps au Canada.

Retour en bus en fin d’après midi vers Tuolumne Meadows.

29 juin, mile 943 à 957

Départ tranquille ce matin : le magasin général ouvre à 9h et ma batterie externe est en charge à l’intérieur.

Avant de partir, je vais saluer Tree trunk et Tina en train de prendre leur petit déjeuner.  Comme à chaque fois qu’il me voit Tree trunk me serre dans ses bras. Bientôt les green gobelins nous réjoignent. Ça me fait grand plaisir de les retrouver. J’ignorais qu’elles avaient rejoint le campground de Tuolumne Meadows. On passe un moment sympa à se donner des nouvelles.

GG_1, Tina, Tree trunk, GG_2

Départ vers 9h30, donc sous une météo radieuse. Des orages sont annoncés pour l’après-midi, Je suis sous le charme des reliefs de granit typiques du Yosemite que je découvre le long du chemin. Des cumulus joufflus apportent leur touche personnelle à ce paysage. Derrière moi, le ciel est déjà très sombre.

Lembert dome

Lors de ma pause déjeuner, je suis abordé par un ranger. Il veut voir mon permis et me prévient si besoin était que l’orage arrive. On entend déjà les roulements du tonnerre dans le ciel.

Quelques minutes après que j’ai repris ma route, c’est déjà la grêle qui va se transformer ensuite en une pluie persistante. Je vais encore marcher 2 heures dans ces conditions avant de trouver un site de bivouac.  Une fois montée, la tente m’offre une bonne protection où je peux me sécher, me changer et me réchauffer.

30 juin,  mile 957 à 971 (2660m)

Il a plu une partie de la nuit. Réveil à 5h pour marcher avant le retour des orages. Le sol de la tente est resté sec cette fois, mais tout est plus compliqué quand la tente est mouillée. Je commencerai à marcher vers 7h30 sous un ciel encore chargé.

Une belle amélioration vers 9h30 me permet de faire sécher la tente.

Vers midi, le col de Benson pass est atteint.

Col de Benson pass

Lors de la redescente du col, le ciel se charge de nouveau et je décide de monter la tente vers 15h avant le début des hostilités. Belle intuition : à peine la tente est elle montée qu’une forte grêle se met à tomber, suivie par de bonnes averses.

Je n’aurai pas tellement le temps de savourer la satisfaction de mon sens de l’anticipation. Je m’aperçois bientôt que malgré le soin que j’avais pris pour le choix de l’emplacement, ma tente flotte maintenant sur une flaque de plusieurs centimètres d’épaisseur.  Deuxième constatation, des micro-trous dans le tapis de sol laissent pénétrer l’eau sur le sol de la tente. Après un moment de découragement, je me perche sur mon matelas pour préserver les affaires qui doivent impérativement rester sèches. Et puis j’éponge. Je résoudrai définitivement le problème en retirant le tapis de sol additionnel qui bloquait l’absorption de l’eau par le sol. Pour mes prochains bivouacs sous la pluie, je mettrai le tapis de   sol additionnel à l’intérieur de la tente. C’est fou comme on apprend vite les bonnes pratiques du campement en conditions hostiles.

1er juillet, mile 971 à 987 (2426m)

Le réveil sonne maintenant à 4h30. Je commence à marcher vers 6h. Je me sens en forme. Je retrouve souvent Studio et Shade sur le chemin. Depuis le que le PCT ne suit plus le parcours du JMT, on a de nouveau le sentiment d’être très isolés dans un environnement extrêmement sauvage. On rencontre aussi de temps en temps  quelques pêcheurs randonneurs qui arpentent les vallées. Et on rencontre surtout des moustiques enragés qui nous harcèlent tout le long du chemin.

Pause récréative : sauras tu trouver la marmotte dans cette image ?

Des nuages menaçants couvrent le ciel vers 16h. Après une traversée de rivière sans difficulté, je décide de profiter d’un bel espace de bivouac pour m’arrêter avant que l’orage n’éclate. J’aurais souhaité marcher quelques miles supplémentaires  ; tant pis, je marcherai plus demain.

Les moustiques sont enragés. Repas sous la tente.

2 juillet, mile 987 à 1011 (3218m)

Départ dans une nuée de moustiques. Même pas mal !

Le mile 1000 a été passé aujourd’hui. J’ai célébré l’événement par une très belle étape de 24 miles durant laquelle je me suis senti très en forme. J’ai conscience qu’il va falloir augmenter les distances journalières si je veux finir le trail avant fin septembre. Quand on regarde la distance parcourue et le temps déjà écoulé, on peut en douter. Mais j’ai plusieurs bonnes cartes dans mon jeu : ma forme physique après plus de deux mois de marche, mon expérience de l’alimentation et de la gestion de l’effort et enfin un parcours avec un peu moins de dénivelé en Oregon.

Studio, Trashman, Slyer

Le paysage a changé. Le parcours a abandonné sa partie granitique et nous sommes rentrés pour la première fois en terrain volcanique. C’est ce type de terrain qui va prédominer jusqu’au Canada.

Fireball lance une attaque vers Sonora pass (inutile d’essayer de la rattraper)

Depuis quelques jours, je rencontre très souvent Studio, Trashman, Shade et Slyer. Ce  sera encore le cas aujourd’hui. Une montée difficile mais spectaculaire va nous emmener sur de sublimes crêtes.

Mais pas le temps de s’extasier, l’orage nous a rattrapés. Les crêtes offrent quelques sites de bivouac. Nous avons conscience que l’endroit n’est pas idéal par temps d’orage, mais il n’y a plus de sites de bivouac avant de nombreux miles. Or il est tard et nous avons déjà beaucoup marché. Chacun va finalement reussir à cacher sa tente entre des arbustes pour se protéger du mieux qu’il peut du vent d’orage.

Bientôt l’orage nous envoie ses rafales. Par chance, elles soufflent dans l’axe des mâts de la tente, celui où elle résiste le mieux. Je tends quand-même une cordelette entre le haut du mât au vent et une solide branche de pin pour consolider l’ensemble.

Le coup de colère du ciel ne dure pas. Une heure plus tard, le calme est revenu et je pourrai dîner dans une douce lumière de soleil couchant.

3 juiillet, mile 1011 à 1018 (3008m)

Il reste une poignée de miles pour rejoindre la highway 108. Une navette attend les hikers pour les emmener à Kennedy Meadows North, un ranch qui offre tous les services nécessaires.

En route vers Sonora pass
KM North

Tant pis pour la douche et le lavage de linge, ce sera pour moi un passage éclair, juste le temps d’acheter cinq jours de nourriture pour poursuivre ma route jusqu’à South Lake Tahoe.

Une fois le sac bien rempli de nourriture, la navette nous ramène au col de Sonora pass. Je suis en compagnie de Full moon et Jennifer, deux québécois que je rencontre souvent depuis mon entrée dans la Sierra. Avant de repartir sur le trail, je profite de la couverture internet au col pour souscrire une assurance voyage applicable à partir du 15 juillet, date à laquelle l’assurance de ma carte bancaire arrivera à échéance.

A peine reparti, je suis accueilli par Retro et Cheryl qui ont organisé un trail magic à deux pas du col. Je rejoins à table les autres hikers en train de déguster le succulent Chili de Retro ou le délicieux dessert à la crème fouettée de Cheryl.

Fullmoon, Pepe, ?, Fireball, Jennifer
Rétro & Cheryl s’occupent de Neologism
C’est reparti !

Finalement, je planterai ma tente un mile après le col sur un site de bivouac où Tom et Malika se sont installés avant moi.

Je profite d’un moment de répit pour écrire mon blog, puis Tom et Malika me proposent de faire connaissance. Nous allons partager un très agréable moment d’échange sur nos expériences respectives de la randonnée. Ils n’ont pas réussi à obtenir un permis pour le JMT, alors ils marchent de South Lake Tahoe jusqu’à Tuolomne Meadows.

Au moment d’aller dormir, je m’aperçois que les fermetures éclair des moustiquaires ne ferment plus. C’est très préoccupant pour la suite car je vais souvent traverser des zones où les moustiques pullulent. Il faudra impérativement que je résolve ce problème

4 juillet, mile 1018 à 1039 (2578m)

Une pluie d’orage s’est déversée sur nous pendant la nuit mais ce matin il fait beau. Dès le début, une montée assez raide me permet d’atteindre une épaule où il y a du réseau. J’en profite pour appeler ma belle lorraine. Il se confirme qu’elle ne pourra probablement pas me rejoindre en août car les restrictions d’entrée sur le territoire américain restent en vigueur. Je m’étais préparé à cette nouvelle et pourtant quand je  reprends ma marche j’ai le cœur serré.

Comme en écho à mon humeur chagrine, l’itinéraire plonge dans une vallée encaissée et traverse une multitude de ruisseaux chargés des pluies d’orage de la nuit. Après un long moment, il s’extrait par le versant gauche et raide de la vallée, pour enfin se rétablir sur une zone de belles prairies d’altitude qui rappellent nos alpages. La vue enfin dégagée me permet de découvrir une élégante ligne de sommets volcaniques.

Un col où le terrain volcanique succède au granit

Ici, le paysage hésite encore entre granit et roche volcanique comme ce suc de basalte qui émerge d’un substrat de granit.

Après cette belle promenade dans les alpages, le chemin plonge de nouveau. Et c’est dans une épaisse forêt, à proximité d’un ruisseau que je vais trouver un site de bivouac.

J’ai eu l’impression aujourd’hui d’avoir retrouvé une belle énergie sur le chemin, peut être le résultat de mon plan renforcé d’alimentation.

5 juillet, mile 1039 à 1062 (2454m)

Retour en altitude pour le passage d’un col, puis le chemin redescend au milieu de prairies et de reliefs volcaniques. Les paysages et l’ambiance ont bien changé depuis le Yosemite où je marchais il y a seulement quelques jours. Les prairies sont pleines de tâches de couleurs. Dès que le soleil paraît, elles exhalent d’entêtants parfums fleuris. Le fracas des torrents et des cascades a été remplacé par le cricri des criquets, grillons et sauterelles. Plus de dômes ou de grandes faces de granit, mais des reliefs volcaniques biscornus sur fond de modestes sommets couverts d’alpages.

Il n’empêche, il faut avancer. Le rythme de 20 miles par jour m’oblige à réaliser de longues journées de marche durant lesquelles je dois forcer mon pas. Par certains côtés, c’est un peu une vie de galérien. Comment ne pas ressentir de la lassitude après plus de deux mois à ce rythme ? Bien sûr, je sens que j’ai l’énergie et l’endurance pour supporter cet effort et je ne me lasse pas de la découverte de ces paysages sauvages. Et puis il y a aussi la satisfaction du saut de puce réalisé chaque jour sur le chemin vers le Canada. Mais c’est surtout en prenant le recul nécessaire pour prendre conscience de l’incroyable expérience que je suis en train de vivre, que je trouve en moi la force de combattre cette lassitude.

Le site de bivouac du soir est une belle récompense après cette longue journée : un promontoire où blocs de granit et grands genévriers sont élégamment disposés et généreusement éclairés par le soleil jusqu’au couchant ; un lac de montagne juste en dessous.

Mauvaise nouvelle aujourd’hui : le talon d’une de mes chaussures sportiva s’est décollé. Ça modifie pas mal le comportement de la chaussure. Il me reste trois jours à marcher jusqu’à South Lake Tahoe. Il faut qu’elle tienne le coup jusque là. Et mon pied aussi.

6 juillet, mile 1062 à 1082 (2642m)

Aujourd’hui on va passer de vallées en vallées. Les montées seront quelquefois raides, mais jamais très longues. Chaque vallée nous réserve de jolis paysages d’alpages chargés de fleurs et d’arômes.

Le lac de frog lake m’offrira la possibilité d’une pause déjeuner et d’une baignade.

On sent que la ville approche car sur le chemin, on rencontre de nombreux promeneurs à la journée.

Les employés du centre d’information du col de Carson pass sur la highway 88 ont organisé un trail magic pour les PCT hikers. Je m’offre une pause pastèque et coca avant de repartir pour la dernière partie de la randonnée.

Visiter center Carson pass
Après Carson pass….

je poserai ma tente un peu plus tard sur les rives du charmant lac de Showers Lake où je serai bientôt rejoint par Veronica que je n’avais pas revu depuis plusieurs semaines, puis par Full moon et Jennifer (les 2 québécois) et enfin par Fireball. Nous partageons le moment du repas. Pour Fireball, ce moment est particulier car partie de Campo le 29 avril, elle finit son trail demain à South Lake Tahoe. Veronica a un peu le cafard : elle voudrait prouver qu’il est possible de parcourir le PCT quand on est une femme de 65 ans. Mais elle a déjà sauté quelques passages difficiles dans la Sierra et elle sent que ce sera difficile pour elle d’augmenter les distances parcourues chaque jour pour réussir son défi

Bivouac ce soir au bord du Showers Lake

Il me restera demain dix petits miles à marcher avant mon arrivée à South Lake Tahoe. Ma chaussure sans une partie de son talon est amochée, mais elle a tenu le coup. Je lui dois une belle ampoule, mais je ne suis pas trop inquiet pour la suite.

7 juillet, mile 1082 à 1091 (2206m)

9 miles dévalés entre 6h et 9h jusqu’à El Dorado ferway. Je suis rapidement pris en stop par un jeune prof de math en vacances qui me dépose devant mon hôtel à South Lake Tahoe. Je l’abandonne avec la certitude que la vie de prof aux US, c’est pas l’El Dorado.

Bon, je vous laisse. Il faut que j’aille au Canada.


8 réflexions sur “Tuolumne Meadows – South Lake Tahoe

  1. Salut Nico,
    J’ai pas trouvé la marmotte non plus. Tes photos sont encore très belles. J’espère que tu trouveras une nouvelle paire de chaussures qui te conviennent et une solution pour la moustiquaire.
    Moi je suis en vacances, là on est sur l’île Oléron, aujourd’hui il a fait très beau et l’océan était chaud, classe!
    Profite et prends soin de toi, bravo et courage pour la suite !

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  2. Bravo nico pour ce beau parcours semé d’embûches qui force l’admiration ; je promet de ne plus jamais geindre quand survient un petit tracas lors des 4 jours de notre ballade annuelle de Toussaint .
    Je prie pour que tu trouves la solution pour la fermeture éclair et j’ai pas trouvé la marmotte
    Bises et encore merci pour tes photos

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  3. Salut Nicolas
    J’ai trouvé la marmotte.
    Je vois que le trail se poursuit avec entrain et enthousiasme. Tes aventures sont toujours agréables à lire.
    Pour nous, nous attendons que l’été s’installe véritablement.
    Les vacances me tardent un peu. Je n’aurais ma mutation à l’institut de Formation en Soins Infirmiers qu’en septembre. Jeu de chaises musicales, il faut attendre que ma remplaçante soit remplacée, avec période de doublure pour toutes.
    Sinon ta filleule a validé sa licence et a signé un CDI au Lynx optique qui l’avait prise en apprentissage.
    Anne sera avec nous dimanche, sous le soleil en principe donc elle profitera de la piscine.
    Bonne route

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  4. J’attendais avec impatience ton arrivée dans le Yosemite. (As-tu vu El Capitan???) Je sens que ça va le faire Nico, tu tiens un énorme rythme là. En plus, la barre des 1000miles est passés et tu as changé d’Etat (Oregon). C’est bien fait quand même, environ 1000miles par Etat! Trop forts ces ricains.
    Bravo pour ces étapes de 20 miles, trop fort !! 👏👏

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